« Le corps humain est conçu pour manger lentement. Nos ancêtres ne disposaient pas de robots culinaires, d’attendrisseurs de viande ou de systèmes de cuisson sophistiqués. » Cette phrase, signée du médecin américain Jan Chozen Bays, auteure de Réapprendre à manger (éd. Les Arènes), pose d’emblée le problème : nous ne prenons plus le temps de manger, nous avalons des aliments sans avoir conscience
de la portée de ce geste, nous ingurgitons là où nous devrions savourer.
Des repas de plus en plus rapides
Une alimentation molle, que l’on peut manger debout ou devant son ordinateur pour économiser du temps, a envahi nos supermarchés. L’idée est de se nourrir le plus rapidement possible, en marchant ou sans interrompre ses activités. Le hamburger du fast-food, le club sandwich, la portion de frites, la petite bouteille de fruits mixés ont intégré les menus. Le premier impact de ces nouvelles habitudes alimentaires? On mange moins souvent ensemble à table. Le repas est pourtant un moment important de la culture française ! Mais les repas vite expédiés ont aussi un véritable impact sur la santé. Leur point commun: ils demandent peu d’efforts de mastication.
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Plus on mastique, moins on grossit
« Non seulement l’alimentation qui nous est proposée aujourd’hui est molle, mais, en plus, on mange davantage sans couverts, quand l’utilisation d’une fourchette et d’un couteau, ou de baguettes, oblige à faire des pauses. Résultat, on mange beaucoup trop vite« , déplore le Dr Arnaud Cocaul. Pourtant, plus on mâche, plus on a l’impression d’être rassasié. Et donc… moins on mange. Ce que propose ce médecin, c’est donc un régime qui n’exclut aucun aliment, mais privilégie ceux riches en fibres (légumes, fruits, légumes secs) qui opposent une résistance aux dents et sollicitent la mastication.
Les bonnes idées ?
Commencer le repas par une assiette de crudités, qui demandent de mâcher. Mais aussi opter pour des légumes cuits au wok et encore croquants. Enfin, on préfère les légumes en morceaux aux purées, une tranche de viande aux viandes hachées. Le Dr Cocaul recommande aussi de poser ses couverts toutes les trois bouchées, pour s’obliger à faire une pause, à ne pas enchaîner les bouchées sans même y penser. Il suggère aussi de mâcher chaque bouchée « au moins une dizaine de fois, vingt étant l’idéal. « on ne perd pas forcément de poids mais on se sent mieux, moins ballonné, et on retrouve un confort de digestion« , assure le médecin.
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Le rôles déterminants des glandes salivaires
L’étape de la mastication est avant tout indispensable pour préparer la digestion. Quand l’aliment arrive en bouche, les glandes salivaires s’activent: or, celles-ci contiennent des enzymes qui commencent à réduire les aliments, tandis que les nutriments commencent à être absorbés au niveau de la bouche, avant même la déglutition. Puis les dents entrent en action pour découper les aliments. Mais si l’on ne mastique pas assez, les bouchées restent quasiment intactes, la salive et ses fameuses enzymes manquent.
Les aliments passent alors dans l’œsophage, puis arrivent dans l’estomac sans avoir été suffisamment réduits. Le problème ? « Dans l’estomac, il n’y a pas de dents. Donc si vous ne mastiquez pas, vous allez vite fatiguer !« , confirme France Guillain. À la clé, une impression de poids sur l’estomac des flatulences malodorantes, signe de digestion difficile, prévient le Dr Auquier. Moralité ? On garde en tête que c’est dans la bouche que commence la digestion. Prendre le temps évitera d’avoir envie d’une petite sieste après le déjeuner ou d’aller se coucher en se sentant lourd après un dîner trop vite avalé.
Attention au risque de reflux gastrique si on ne mâche pas assez
L’autre risque, si l’on avale sans bien mastiquer, c’est le reflux gastrique, cette sensation de brûlure très gênante qui affecte l’oesophage. Il s’agit en fait d’une remontée acide depuis l’estomac. « Si le travail de mastication a mal été fait, l’estomac, qui est un réservoir dans lequel les aliments mâchés sont réduits en purée par l’acide chlorhydrique qu’il contient, va devoir utiliser plus d’acide, dont une partie peut remonter vers la gorge et provoquer cette sensation désagréable« , explique le Dr Auquier.
Bien mastiquer aide à garder des dents en bonnes santé
Enfin, bien mastiquer les aliments, c’est aussi une façon d’entretenir son capital dentaire. Les aliments durs favorisent l’autobrossage, et plus on fait fonctionner ses dents, plus on les renforce. Quand on choisit une denrée qui demande peu de mastication en guise de plat, il faut compenser en optant pour une pomme, par exemple, en dessert. Dans le même ordre d’idée, si l’on a envie de purée, mieux vaut l’accompagner d’un steak que de viande hachée.
Il faut de la résistance en bouche travailler ses mâchoires Attention aussi à bien entretenir sa dentition: « Une molaire manquante, c’est 10% de coefficient de mastication en moins, et une mise en danger de la dent opposée qui fait tout le travail« , avertit le Dr Arnaud Cocaul.
Quels aliments durs favoriser ?
? Un morceau de fromage à pâte dure. L’OMS recommande d’en consommer un morceau pour terminer le repas. Il oblige à mastiquer, et apporte calcium et phosphore, les constituants essentiels des dents. Enfin, on croque à pleines dents dans une pomme, qui oblige également à mâcher longuement et renferme des polyphenols (qui diminuent l’adhérence des bactéries à l’émail) et de la vitamine C protectrice.
Mangez en pleine conscience
Ancrer son repas, le déguster en y pensant, se concentrer sur ce que l’on a dans la bouche, prendre le temps de mastiquer… c’est le mindful eating ou l’alimentation en pleine conscience. Le but: être complètement à ce que l’on mange, y réfléchir, pour amplifier l’appétence pour les aliments équilibrés et en consommer la juste quantité. Car si manger lentement est indispensable à la santé, prendre ses repas en conscience est au moins aussi pertinent.
Pour Géraldine Desindes, spécialiste française de cette tendance, « La pleine conscience commence avant même le repas, au moment où l’on se lave les mains. Il faut alors penser au contact de ses pieds avec le sol, aux sensations des mains. Respirer trois fois. C’est une façon de marquer une transition entre le travail ou l’activité que l’on menait et le passage à table. »
Il faut faire du repas un moment de détente, dégagé des pressions extérieures. On ne profite donc pas du déjeuner pour checker ses mails professionnels sur son smartphone. On évite également de caler un rendez-vous à 13 h 15, et l’on prend le temps d’apprécier le passage à table. Cela permet de démarrer le repas avec un rythme moins soutenu. Ensuite, on évite de se jeter sur son assiette. On prend un moment pour observer son contenu, le toucher, le sentir. On nourrit son cœur et son esprit avant de nourrir son corps. Ce rituel permet de mâcher davantage la nourriture que l’on a pris le temps d’analyser, pour en goûter toutes les saveurs que l’on a cru percevoir. Entre deux bouchées, on pose ses couverts. Et l’on se demande si l’on a la bouche vide avant de recommencer à manger.